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La dispensation à l’unité : une mise en œuvre à l’épreuve de la pratique


Rédigé par Me Ghislaine ISSENHUTH et Me Olivier SAMYN, Associés, LMT Avocats le Mercredi 20 Avril 2022 à 11:02 | Lu 905 fois


Issu de l’article 40 la loi n°2020-150 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, l’article L. 5123-8 du code de la santé publique consacre le principe d’autorisation de la délivrance de certains médicaments en officine à l’unité : « Afin d’éviter le gaspillage des médicaments, lorsque leur forme pharmaceutique le permet, la délivrance de certains médicaments en officine peut se faire à l’unité. […] ».



La dispensation à l’unité : une mise en œuvre à l’épreuve de la pratique
L’entrée en vigueur de ce nouveau mécanisme de dispensation offert aux pharmacies d’officine avait été repoussée au 1er janvier 2022 afin de permettre au pouvoir règlementaire d’adopter un décret fixant les modalités particulières de conditionnement, d’étiquetage et d’information de l’assuré ainsi que de traçabilité pour ces médicaments.

Avec la parution au Journal Officiel du 2 février 2022 du décret n°2022-100 du 31 janvier 2022 relatif à la délivrance à l’unité de certains médicaments en pharmacie d’officine, une étape supplémentaire est franchie dans la mise en œuvre de la dispensation de médicament à l’unité.
 

Un premier retour d’expérience positif

Une première étude menée entre 2014 et 2015 par l’INSERM (Treibich, Lescher, Sagaon-Teyssier, Ventelou - 2017 - The expected and unexepected benefits of dispensing the exact number of pills - Plos One) avait permis l’expérimentation de la délivrance à l’unité portant sur certains antibiotiques à travers une centaine de pharmacies d’officine dans quatre régions en France.

Les résultats de cette étude ont été favorables, ces derniers mettant en évidence :
  • Une bonne acceptabilité de la délivrance à l’unité des antibiotiques, acceptée par 80 % des patients ;
  • Un impact sur les volumes de médicaments dispensés, avec une réduction d’environ 10 % du volume de comprimés délivrés par rapport à une vente traditionnelle ;
  • Un bon usage des traitements, ayant permis d’éviter le problème des comprimés non correctement recyclés évaluée à 13 % ainsi qu’une meilleure observance du traitement basée sur le nombre résiduel de pilules non consommées.
De même, selon l’Institut international de recherche anticontrefaçon de médicaments (IRACM), 1,5 kg de médicaments par an et par Français, soit près d’un médicament sur deux, sont gaspillés et donc impropres à l’utilisation.
 

Implantation législative et règlementaire du nouveau dispositif

C’est dans ce contexte que le législateur s’est emparé de la problématique du gaspillage des médicaments, en intégrant au sein de la loi n°2020-150 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire une disposition consacrant le principe d’une délivrance des médicaments à l’unité en officine.

On peut regretter que cet article soit le fruit d’un amendement législatif et qu’il ait donc été adopté sans être précédé ni d’une étude d’impact, ni d’un avis du Conseil d’État, comme cela était le cas pour le projet de loi initialement déposé (Conseil d’État, 4 juillet 2019, avis relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, n°397960 ; Étude d’impact sur le projet de loi, NOR : TREP1902395L/Bleue-1).

Sans être une exigence issue du droit de l’Union Européenne, certains États membres disposaient déjà d’un dispositif similaire offrant aux pharmaciens d’officine la possibilité de procéder à une dispensation à l’unité, notamment l’Allemagne, la Suède et l’Espagne.

La Commission Européenne s’est toutefois intéressée au sujet pour avoir été rendue destinataire du projet de décret transmis par la France, conformément à l’article 5 de la Directive (UE) n°2015/1535 du Parlement Européen et du Conseil du 9 septembre 2015, qui prévoit une procédure d’information dans le domaine des règlementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information :
« 1. Sous réserve de l'article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne […] ;

2. La Commission et les États membres peuvent adresser à l'État membre qui a fait part d'un projet de règle technique des observations dont cet État membre tient compte dans la mesure du possible lors de la mise au point ultérieure de la règle technique. […] »
La Commission Européenne a considéré que le projet de décret n’avait pas d’effet notable sur le commerce international (Notification n°2021/640/F du 1er octobre 2021 adressée à la Commission Européenne).

Ainsi, le projet de décret transmis à la Commission Européenne a été modifié à la marge avant d’être publié au Journal Officiel du 2 février 2022.

Le décret consacre une nouvelle sous-section 6 au Code de la Santé Publique « Délivrance à l’unité des médicaments en pharmacie d’officine », où y sont transposés les nouveaux articles R. 5132-42-1 à R. 5132-42-7.
 

Modalités pratiques de la dispensation à l’unité en officine

Le décret d’application vise à permettre une mise en œuvre concrète du principe d’autorisation du recours à la dispensation de médicament à l’unité prévue à l’article L. 5123-8 du Code de la Santé Publique, qui se borne à indiquer que seuls certains médicaments, dont la liste doit être fixée par arrêté, peuvent faire l’objet d’une délivrance à l’unité.

La première condition concerne le conditionnement, la délivrance à l’unité n’étant possible que si le médicament est présenté sous forme de blister ou en sachet-dose (article R. 5132-42-3).

Pour être opérée, le pharmacien doit prélever les unités de prises du conditionnement extérieur initial pour les placer dans un « conditionnement extérieur adapté, permettant d’en assurer le transport et la conservation », ce dernier devant ne pas contenir des spécialités de lots différents (i) et être suffisamment solide pour empêcher toute déperdition de son contenu (ii) (article R. 5132-43-4).
Naturellement, l’utilisation du conditionnement extérieur initial est préservée lorsque le pharmacien délivre les dernières unités y figurant. Il s’agit en outre de la seule façon pour les patients aveugles ou malvoyants de bénéficier d’une dispensation à l’unité, ce qui s’explique notamment au regard des inscriptions en écriture braille qui ne sont présentes que sur les conditionnements initiaux (article R. 5132-42-5).

La traçabilité et les mises en garde d’usage des médicaments dispensés sont assurées au moyen d’une étiquette imprimée et collée sur le nouveau conditionnement extérieur, et qui devra notamment comprendre le numéro de lot de fabrication, la date de délivrance, les noms et prénoms du patient et la date de péremption (article R. 5132-42-6).

Enfin, s’agissant de l’information des patients et plus particulièrement de la remise de la notice des médicaments, sous réserve de l’accord du patient, le pharmacien pourra l’adresser par voie dématérialisée. À défaut, un exemplaire imprimé devra être remis au patient (article R. 5132-42-7).
 

En conclusion

Près de deux ans après l’adoption de la loi consacrant le principe de délivrance de certains médicaments en officine à l’unité, la parution du décret d’application devrait permettre une mise en œuvre concrète et imminente du dispositif.

Cette faculté ne sera ouverte qu’aux spécialités expressément désignées par une liste fixée par arrêté et établie par référence au médicament ou à la classe pharmaco-thérapeutique dont il relève.

En attendant la parution de cet arrêté, les pharmacies d’officine peuvent d’ores et déjà préparer la mise en œuvre pratique du mécanisme et notamment rechercher des conditionnements extérieurs et des étiquettes adaptées satisfaisant aux exigences du décret, ainsi que d’organiser les modalités techniques pour adresser par voie dématérialisée les notices aux patients.

L’effectivité en termes d’objectifs environnementaux comme l’amélioration de l’observance des patients devra être évaluée au long cours.

Article publié dans l'édition de février 2022 d'Hospitalia à lire ici.
 
La dispensation à l’unité : une mise en œuvre à l’épreuve de la pratique






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